top of page

Judaïsme au féminin

 

 

Dans la Bible hébraïque, les femmes ont un rôle central. Sarah, femme d'Abraham lui lance un ultimatum afin qu'il renvoi Ismaël, le fils qu'il a eu avec Agar (Berechit, paracha Vayera, Chap 21, verset 9-14).

Rivka, femme de Isaac fait preuve de ruse afin que son fils Jacob reçoive de son père, la bénédiction à la place de son frère Esaav (Berechit, paracha Toledot, 27: 1-20).

A l'époque de la rédaction de la Bible hébraïque, les femmes participent activement à tous les aspects de la vie sociale, politique, économique et religieuse. A l'époque du Talmud, elles disparaissent de la scène publique.

Aux temps bibliques, elles participent aux grandes réunions religieuses. Le Deutéronome (29:10) mentionne la présence des femmes au Mont Sinaï lors du don de la Torah. Par ailleurs, dans la Bible hébraïque on parle des bné Israël. En hébreu biblique, ce terme correspond au Peuple d'Israël hommes et femmes confondus.

​

Lors de la fête de Souccot (la fête des cabanes), les hommes et les femmes se rendaient ensemble au pèlerinage au Temple et priaient ensemble sur le parvis des femmes.

Les femmes participaient également aux évènements de la vie sociale tels que les mariages ou elles dansaient et les enterrements ou elles chantaient des mélopées.

Par contre elles étaient exclues du service du Temple.

A l'époque Talmudique (I-V ème siècle), il y a une ségrégation à l'égard des femmes en ce qui concerne la vie et les événements religieux. Par exemple, le Parvis des femmes qui était le seul endroit où se retrouvaient hommes et femmes est aménagé : les hommes restent sur le terreplein et les femmes sont sur le balcon construit à cet effet.

​

Se rendre au Temple devient pour les femmes, une des rares occasions de sortir des limites de son foyer. Les femmes respectables, étaient censées rester chez elle car la dignité d'une femme exige qu'elle reste à la maison.

Genèse Rabba (Berechit Rabba, dit aussi Genèse Rabba, est un des volumes du Midrach Rabba. Rédaction entre le début du Ve siècle et le courant du VIe siècle. Il est le premier recueil de midrashim des rabbins du Talmud, les amoraïm d'où le terme de Rabba. Alors que le Talmud vise essentiellement à codifier, le midrash Rabba contient principalement des commentaires haggadiques)18:1 «C'est à la femme de rester à la maison et à l'homme d'aller au marché». Selon le traité Nedarim du TB, une femme qui se montre au-delà des limites de sa maison s'expose tôt ou tard à succomber à la tentation. L'homme a donc le pouvoir d'empêcher sa femme de sortir de la maison. Les achats étaient la besogne du mari sauf, lorsque la femme sortait acheter de l'étoffe pour la confection de ses propres vêtements.

La femme pouvait aller au Beit Hamidrach (maison d’étude) pour écouter un commentaire biblique (Lévitique rabba) ou prier ( TB Sota 22a), rendre visite à sa famille, à une maison en deuil, fête de mariage (TB Ketoubot 76 a), mais toutes ses occasions étaient des exceptions. Une femme qui adressait la parole à des hommes autres que ceux de sa famille attirait le mal sur elle et ses enfants. Selon le traité taanit du TB, la fonction principale de la femme est de mettre des enfants au monde. Dans le même passage, il est dit que les femmes sont faites pour être belles.

 

Qu'en est-il de nos jours ? Quel rôle ont les femmes dans le Judaïsme ?

Dans le Judaïsme traditionnel, elles ont un rôle très limités. 

Elle transmettent la Judaïté aux enfants (la matrilinéarité est apparu au début du 1er siècle.)

Elles ont en charge l’éducation des enfants, la bonne tenue du foyer, la cuisine).

Le Talmud assigne aux femmes 3 commandements : le prélèvement de la Halla(mettre de côté un morceau de la pâte qui était destinée aux prêtres en charge du service divin), le respect des lois de nidda (lois de puretés familiales) et l'allumage des bougies de Chabbat et des fêtes.

Elles sont dispensées des commandements positifs liés au temps afin de pouvoir accomplir les volontés de son mari. En effet ces commandements devant être accomplis à des moments précis de la journée, elles en sont exemptées afin de pouvoir se consacrer uniquement à son mari. Donc elles ne portent pas le Tallit, ne mettent pas les tefilin, ne récite pas le kiddouch etc...

​

A la synagogue, il y a la MeHitsa, une séparation de l'homme et de la femme afin que l'homme ne soit pas troublé pendant la prière. Cette séparation a été instaurée à l'époque du second Temple, uniquement pour la fête de Souccot. Mais à l'époque moderne, les rabbins ont décidé de généraliser la séparation de façon permanente. (Pour certaines autorités orthodoxes, la séparation des hommes et des femmes dans la prière est biblique(cf Zacharie), pour d'autres, elle est rabbinique(ex rav Kook).)

​

 Elles ne peuvent pas mener les offices, ni parler en public, comme par exemple faire commentaire biblique, ne peuvent pas monter à la Torah. Elles ne comptent pas dans le minyan (corrum de 10 personnes sans lesquels certainement prières ne peuvent être récitées). La Bat Mistva n'est pas la même cérémonie que la Bar Mitsva que font les garçons.

La femme doit respecter la tsniout, c'est à dire les règles de modestie et de pudeur. En effet, le corps de la femme attire l'homme et les sages ont fixés un certain nombre de règles afin d'éviter aux hommes d'être attirés par les femmes et d'avoir de mauvais penchants. Ce sont donc aux femmes   de se rendre invisibles plutôt qu'aux hommes de détourner la tête.

Les jupes doivent avoir la longueur réglementaire, les manches doivent être au-dessous du coude, le décolleté au niveau de la clavicule. Elles doivent éviter les couleurs voyantes, porter des collants épais. Elles ne peuvent se retrouver seule avec un homme autre que son mari, son frère ou son père sous risque d'être soupçonnées d'adultère. Elles ne peuvent danser en présence des hommes. Par exemple, dans les mariages, il y a deux pistes de danses séparées par un rideau.

La femme mariée doit avoir la tête couverte en public. Sa chevelure, tout comme sa voix étant considérées comme erva (nudité). Kol beisha erva: la voix de la femme est une distraction sexuelle. Elle ne peut donc ni chanter en présence des hommes, ni mener un office public.

Elle doit obtenir l'autorisation de son mari pour divorcer. Je vous renvoie à ce sujet au film de Ronit et Shlomo Elkabetz, « Le procès de Viviane Amsalem»,inspiré d'une histoire vraie. Si le mari refuse de donner le get(acte de divorce), la femme reste une agouna (femme liée) et ne peut pas se remarier religieusement. En hébreu, quand un homme se marie, on utilise le terme latet isha qui veut dire prendre femme et mari se dit baal, c'est à dire le propriétaire.

Une femme ne peut pas être témoin (depuis l'époque Talmudique) sauf exception, par exemple le décès de son mari. Par contre pour un cas civil ou criminel, elles ne peuvent pas témoigner. Par exemple, elles ne peuvent pas être témoins de mariage.

 

A partir du 19-20è siècle, l'émergence des mouvements progressistes (le mouvement libéral puis le mouvement Massorti, ont fait bouger les choses essentiellement en ce qui concerne le rôle des femmes. Elles peuvent donc avoir si elles le souhaitent une pratique égalitaire. Elles ne sont plus cantonnées à la maison ni aux tâches ménagères. Elles peuvent pratiquer les commandements positifs liés au temps comme mettre les tefilin et porter le tallit (châle de prière).

A la synagogue, elles peuvent aussi avoir une pratique égalitaire comme mener les offices, faire des commentaires bibliques. Les synagogues progressistes ont annulé la séparation hommes-femmes. Les femmes sont donc mélangées aux hommes pendant la prière et donc être à côté de leurs maris et enfants. Elles peuvent monter et lire dans la Torah. Elles sont témoins de mariages et la Bat Mitsva est identique à la Bar Mitsva des garçons.

​

Certaines synagogues orthodoxes mettent en place des minyanim de femmes. Elles organisent des offices et des lectures de la Torah.

En 1922, la conférence centrale des rabbins américains décident la possibilité d'ordonner des femmes. La première, Régina Jonas fut ordonnée le 27 décembre 1935 à Offenbach en Allemagne. Elle exerça pendant deux ans dans la communauté juive de Berlin. Elle fut déportée à Therensienstadt et meurt à Auschwitz en octobre 1944. Il faudra attendre 1972, soit 32 ans après la mort de Régina Jonas, pour voir Sally Priesand,la seconde femme ordonnée rabbin à Cincinatti.

Depuis Régina Jonas, 400 femmes ont été ordonnées rabbin dans le monde, ma plupart aux USA, 25 en Grande Bretagne. Actuellement, il y a 3 femmes rabbins en France. Elles travaillent toutes les trois pour le mouvement libéral.

Le Judaïsme n'échappe pas, lui non plus à la radicalisation. En Israël, certains mouvements radicaux essaient de réduire le droit des femmes, par exemple en instituant des trottoirs interdits aux femmes, les bus séparant les hommes et les femmes. Mais certaines se battent afin de conserver leur liberté.

Depuis quelques années, nous assistons à l'émergence de femmes religieuses écrivaines ou réalisatrice de films comme Rama Bursthein dont le film « Le cœur a ses raisons» a été très remarqué et a gagné de nombreux prix.

 Certaines, femmes de rabbin, écrivent en cachette sous un pseudonyme. Certaines quittent leur communauté, d'autres décident d'y rester, mais toutes écrivent au sujet du monde qu'elle côtoient ou qu'elles ont côtoyé. La plus célèbre s'appelle Naomie Ragen, née aux États Unis à la fin des années 40 dans une famille très religieuse. Elle a émigré en Israël et elle est à l'origine de la bataille des femmes contre les bus séparant les hommes et les femmes.

Un mouvement féministe, les Nachot Hakotel(les femmes du mur), menées par Anat Hoffman se bat en Israël depuis 25 ans afin que les femmes puissent prier au Kotel( mur des lamentations) avec leur châle de prière, le Tallit( car pour les orthodoxes, la dispense s'apparente à une interdiction. Ce mouvement regroupe des femmes de toutes tendance religieuse. Certaines ont été en prison pour avoir refusé d'enlever leurs tallitot. Il y a deux ans, la justice leur a donné raison, les autorisant à prier au kotel avec leur châle de prière. Elles prient au Kotel tous les premiers jours du mois, le jour de roch Hodech.

 

En conclusion, la tradition juive a donné aux femmes un rôle uniquement cantonné aux tâches ménagères et au rôle d'éducation des enfants. Mais l'émergence des mouvements progressistes et l'évolution des mœurs ont permis aux femmes d'avoir un rôle égalitaire et de pouvoir décider de la manière dont elles veulent vivre leur pratique religieuse et du rôle qu'elle veulent jouer au sein même de leur communauté.

 

 

bottom of page